PHILAE : Chienne de vie à l'Elysée ( N°2)
« Presque rien n’est stable, et voici, tout près, le gouffre infini du passé et de l’avenir où tout s’évanouit… »
(Marc Aurèle)
Nous marchons maintenant depuis de longues minutes en cherchant les rayons du soleil atténuant un vent frais qui s'en va et revient, balayant nos pas.
Mes parents et nos maîtres, me veillent comme de la soupe aux « gourganes » sur le feu.
Jeune folle, moi déjà je voudrais aller par là ou de partout.
Un vol d'Urubu à tête rouge devant nous, toute ma famille fascinée brusquement s'arrête.
Puis elle cherche à suivre des yeux, près des cimes, cette chance rare offerte par la nature...
Moi, je déborde de la traverse du chemin.
Le vieux mâle bipède de notre groupe, inopinément envahit sans doute par toute cette beauté, les yeux plantés dans le ciel, déclame en marchant:
" Arbres des ces grands bois qui frissonnez toujours
je vous aime et vous, lierre au seuil des autres sourds
Ravins que l'on entend filtrer les sources vives
Buissons que les oiseaux... »
Mais ce premier moment de liberté, de pure poésie, ne va durer rien que la demi-mesure d'un sale temps.
Celui pour moi, surpris d'une glissade.
La maitresse de mes parents, lâche tout à trac dans la quiétude de la forêt, un « wack » puissant.
Son mari, l’ancien président de la fédération des anciens combattants français de Montréal, lui d'un seul coup, à l'air furieux :
- Tabarnark d'ostie de crisse de câline, elle s'est roulée dans une grosse marde de Caribous !
Maman, a juste le temps de m'indiquer que ces jolis vers sont d'un lointain cousin de France : Victor Hugo, qui à l'air plutôt à l'aise avec les mots et que les derniers venus à mes oreilles sont ceux d'un charretier énervé, un corne-cul.
- Ouache : rajoute encore son épouse avec une expression, telle de dégoût que ce mot dans mon récent apprentissage sera répertorié définitivement par beurk ou pouah !
Bien sûr, comme toujours dans ces situations qui emmerdent tout le monde sur tous les continents, c'est maman qui s’emploi à m'essuyer des conséquences fâcheuses de mon écart peu reluisant de cette fin d'après midi...
Les jours, les semaines, les mois qui suivent, les sorties se font plus rares.
La neige est apparue, lourde, en écrasant le bruit autant que les branches des arbres, derrière nos fenêtres.
Mon éducation tant bien que mal, se fait dans la chaleur feutrée de notre douillette maisonnée meublée quatrième âge.
C’est mon père qui l’entreprend. Après l’apprentissage des pensées de Marc Aurèle, celui des écrits de Saint Augustin, de Thérèse d’Avila en passant par Camus, Debord, Saint Simon et pour finir à mon étonnement éducatif: Sade… il en vient ensuite pour moi à une sorte d’histoire de France accélérée pour les nuls.
Pourquoi la France, mystère ?
Les descendants du Québec ancien eux, n’ont pas oublié, le libre discours, la belle envolée du Général de Gaulle.
Papa, m’explique tout sur les hommes de ce pays lointain, sur leurs traits de caractère, et les faits marquants des dernières décennies.
Depuis 58, tout y passe:
( suite vendredi prochain 8h O5 GMT)