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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
29 avril 2016

PHILAE : Chienne de vie à l'Elysée ( votre feuilleton n°5)

 

« Presque rien n’est stable, et voici, tout près, le gouffre infini du passé et de l’avenir où tout s’évanouit… »

(Marc Aurèle)

 

Et soudain tout me manque :

 

Nous descendons les premiers.

En bas de la passerelle, un monsieur rondouillard avec une tête à claque, le costume lustré, nous accueille avec un grand sourire. Il se tient devant les portières ouvertes d'une imposante berline noire.

 

1992_Peugeot_605_(6449278397)

 

- Alors, voilà l'heureuse élue. Elle a l'air fatigué, mais elle a un très joli poil. Pressons. Nous sommes attendus à 9h45 précise au château, ajoute-t'il avec un accent à couper à la scie ruban.

Dire qu'il va falloir, ici et maintenant, me débarrasser de tous mes impedimenta Québécois, parmi lesquels figure en large place mon vocabulaire maternel.

Je me dois sous peine d’une souffrance programmée à devoir, le réajuster à ces drôles de manières de bouches, à ces singulières et précieuses tournures communes de langue de ce pays, pour le moins assez étrange.

 Les vitres sont teintées. La cage est déposée à l'arrière entre les deux hommes distingués pour cette tâche.

Devant nous, une casquette rutilante est retenue par deux énormes oreilles aux poils coupés du matin.

Un cou rouge massif accentué par la blancheur amidonnée d'un col serré, notre chauffeur pas une fois, ne s'est retourné.

Aucune parole non plus n'est échangée avec cet humble à bras.

Deux motards se tiennent maintenant de chaque côté de la chaussée.

Moi, mal m'en prend, j'ai une envie de pisser pas disable, qui m'envahit le bassin maintenant devenu parisien.

Il faudrait s'arrêter assez vite.

Il faut s'arrêter tout de suite.

- Hé bien, qu'est-ce qu'elle a la petite princesse, du chagrin ?

- Cela se pourrait, elle doit se méconnaître...

Ah oui, ils sont au top ces deux zygotos de palais. Je m'égosille depuis cinq minutes pour de bas besoins et ces deux cons diplômés et assermentés me prêtent des langueurs.

Le chauffeur enfin, tourne sa tête. De manière très policée et difficilement audible, il murmure aux deux importants :

-  Sauf votre respect,  elle a peut être besoin de se soulager, non ?

-  Bon, bon rien de cela, elle a besoin de se dégourdir les pattes, et c'est tout ! lui répond doctement l’enflé.

Et joignant le geste à sa certitude, le psychorigide m’extrait de mon enclos.

Oh bon dieu! sitôt retrouvé de l'espace pour mes pattes, et sans que j'en puisse faire autrement en serrant mes cuisses, instantanément, je me soulage.

Le jet pour mon âge est surprenant de puissance...

Dessous, c'est chaud. Je crois que la pantalon vient de chez Smalto, les chaussures rincées de la maison Berluti, et que ma vidange non contrôlée est responsable de la soudaine colère de ce fier à bras.

- Ah non, c'est pas vrai. C'est pas Dieu possible, répète en boucles l'instruit.

Haussman_paris_immeuble

- Georges, faites vite le détour à mon domicile. Il me faut absolument me changer pour la réception. Elle commence bien cette c…., cette Philaé!

Je ne sais pas encore très bien, les dessous, et les travers des humains, mais il m'a semblé un court instant, reconnaître comme une trait de flamme, celui du ravissement dans les yeux de mes deux autres accompagnateurs.

- Oui, allo, oui c'est çà... attendez moi devant l'entrée avec mon Saint Laurent gris tacheté, le troisième à gauche dans le deuxième dressing. Cet appel passé, son compagnon lui suggère de prévenir maintenant Constance Rivière.

Il acquiesce. Il converse maintenant avec la directrice adjointe du cabinet de l’Elysée.

Alors Philaé... se sera mon nom ?

Et ben nom d'un chien, bonjour la simplicité et aussi le ridicule.

J'aurais préféré, j'sais pas : Finette, Bakounine, Baltique, Rex, Zaza, un truc facile à siffler, il y a le choix, non ?

Une vitre fumée noire est baissée.

Mon urine était sans doute un peu chargée.

Nous arrivons maintenant devant un bel immeuble Haussmannien au 13/15, du boulevard de la Reine.

On m'invite avec ambages à retourner dans ma cage.

Sa suffisance des palais est plus que pressé, mais « cet ostie de mangeux de marde » qui devrait en mener étroit après cette mésaventure, attend quand même que le chauffeur s'en vienne ouvrir la portière à sa majesté.

Dix minutes, le chauffeur en attente demande, s'il peut mettre France Info. Il tombe sur un extrait des Grosses Têtes.

A nouveau, je me sens encore un peu barbouillé... Il ne change pas de station.

Le rhabillé lui, revient avec moins d'odeur mais avec encore une tronche de six pieds de long par dessus son air supérieur.

Boulevard_Bourdon_&_boulevard_Morland,_Paris_2012

- Georges, nous avons cinq minutes de retard. Mettez-le gyrophare. Appuyez bon sang, les motards sont là pour çà, allez, allez ! Dit-il, avec l'air de manger ses lacets de bottines.

 

( la suite, je le crains... vendredi prochain)

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