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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
24 février 2017

FRIPOUILLE LE CHABLAISIEN ou l'insoutenable légèreté de mes maîtres ( Episode N°9)

 

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FRIPOUILLE LE CHABLAISIEN

ou l'insoutenable légèreté de mes maîtres 

( feuilleton hebbo, paraissant le Vendredi)

 

Il n’est pas plus traître miroir que celui de la fiction. Les morts dans la pénombre, les êtres vivants, les ombres nues de l’enfance, les ressemblances ou encore la fortuite et pure coïncidence... L’imposture, même inconsciente, d’un auteur avec sa propre histoire déconstruite a immanquablement des reflets...

 

Soleil et chair

 

- Regardez cette belle lumière, ce matin, sur le château de Ripaille. - Oui, papa, là-bas, à côté de la Clio, il y a une place, vite ! lance Jean-Charles.

 

Chateau_de_Ripaille

Bon sang, le chargement et le temps qu’il faut à toute la famille pour se mettre en marche. 

Monique, a une mine de pince à sucre en me voyant lever la patte sur la pancarte du domaine. Elle me tire sans douceur avant la fin de mon soulagement, à la hauteur de son panier.
J’aime pas ça du tout. 

Et est-ce l’inconscient de mon caractère de chien ? Un peu plus loin, revenant d’un coup en arrière, ma laisse s’enroule brusquement dans les jambes de ma maîtresse.


- Mais c’est pas vrai, ce corniaud, il a failli me faire tomber ! hurle Monique. Pierre-Jean, ce cabot d’hlm de banlieue, il faut l’éduquer, c’est pas possible. J’espère que tu vas le dresser...

Et, en refilant la longe à Éléonore, désolée, elle dit encore :


- Non, ma fille, je ne suis pas méchante, mais il y a un minimum d’éducation aussi pour un animal de compagnie !

Nous marchons encore quelques minutes sur un petit chemin de terre ombragé.
Pierre-Jean propose, l’endroit sied à madame.


Les serviettes sont étendues, le parasol rose ETG déployé, les paniers et la glacière à l’ombre d’un marronnier géant. Pour moi, c’est une première : un pique-nique au bord du lac Léman. 

Quand je regarde par en dessous Monique et Pierre-Jean qui ôtent leurs vêtements, j’ai comme l’impression qu’ils ont déjà chacun une bouée couleur chair autour de la taille...


Quand revient l’été, ça serre et tire fort sur le une-pièce, ça déborde grave au-dessus du boxer. 

Depuis longtemps, les malfrats sont fichés : polenta, diots et tartiflette, et leurs complices publicités.
Pourtant, chaque année, ils prennent la poudre d’escampette... Jean-Charles se trempe dans les galets du Léman jusqu’à mi-mollet et rebrousse chemin jusqu’à sa serviette. 

Monique, aussi, trouve l’eau décidément trop froide.
Éléonore, à cause de son pansement au pied, s’est résignée pour l’été au seul bain de soleil.
Pierre-Jean avance. Lui, il ne s’arrête pas.


Je le rejoins, ô miracle ! Mes quatre pattes me déplacent sans souffler, au contraire de mon maître qui s’épuise dans une brasse plutôt coulée. 

Bon, j’ai compris, c’est pas demain qu’il va faire la traversée, le gros. Nous regagnons la rive.
Bien évidemment, je me fais rabrouer.
Je dois faire comment, Monique, pour m’essuyer ?

Chens3

Y a un peignoir à quatre manches avec un trou calibré pour ma queue, ou seulement une serviette de prévue, au mieux, pour moi, dans cette escapade ?
Un peu dépité, c’est vers Éléonore, allongée, que je vais chercher le restant de chaleur nécessaire pour finir de me sécher. 

Le soleil est maintenant au zénith.
Godiveaux et merguez brûlent leurs graisses sur le barbecue à roulettes, devant Pierre-Jean, maintenant rouge vif au sommet de la tête. 

Je vais faire un tour pour me dégourdir les pattes.
Un étroit sentier, quelques minutes de marche, je suis truffe à nez devant une pancarte municipale indiquant la proximité d’une plage naturiste.

 

Nude_Beach_from_Behind


Je poursuis et, en effet, plus loin, au bord de l’eau, fesses à l’air, petits seins ou gros lolos, s’exposent sereins aux rayons du soleil chablaisien. Esprit ressenti bon enfant, attributs pendants, un grand-père m’appelle et m’offre une Vache qui rit, et sa femme, entièrement nue, un Petit Lu.
Je m’en retourne encore dans un étroit chemin.


Il y a une drôle d’odeur ici, je la suis.
Je renifle plus fort, une odeur de... une odeur de slip... de pantalon baissé, oui, c’est ça ! 

Dans ce très touffu bosquet, étrange impression.
Comme un chien qui arriverait dans un jeu de quilles.


Si j’en crois ces regards masculins mauvais, je ne suis pas du tout le bienvenu...
- C’est ton clébard ?
- Ben non ! dit un homme agenouillé, qui s’empare d’une pierre pour me la balancer.

Connard, il m’a fait mal cet ahuri. Mais qu’est-ce que c’est pour des enfoirés, et la possibilité pasolinienne de cette séquence, pourquoi ma mère, en aparté, ne m’en a jamais parlé ?


Vite, je me carapate. C’est par où, la sortie ?
Merde, c’est un vrai labyrinthe.
Je me retrouve tout à coup, presque museau à nez, avec un autre homme aux cheveux argentés penché en avant.
Il fait quoi, celui- là ? Il ramasse des champignons ?
Pourquoi il me regarde comme paniqué ? Et l’autre derrière qui vocifère, hirsute, menaçant. 

Mais ça va pas la tête, non ?

Je me raidis sur les pattes arrière.

Je montre les dents. 

Je jappe bruyamment devant ces deux fous. Ouf, un coin de lumière, je me faufile. Je m’égratigne et me libère de cette histoire de frapadingues !
Sagouine mésaventure...
J’étais cependant parti d’humeur badine ce matin.

Je m’en reviens nettement moins gai, moi qui me crois pourtant bien du genre chien tolérant.
Dérouté, au pas de course, je retrouve, essoufflé, ma famille adoptive en train de déjeuner. 

Il y a maintenant foule autour d’eux.
Un nuage de fumée à la sardine derrière une communauté de Portugais embaume les environs.

Table pliante, Fendant et viande des Grisons, des retraités valaisans entament, avec un accent à couper au couteau, l’apéro.
Je me taperais bien une merguez. Quelle bonne odeur de graillon ! - Non, non, Jean-Charles, un chien bien élevé ne mange qu’une fois, en fin de journée. Je l’ai lu il y a quelque temps à la médiathèque dans Le Figaro Magazine.

Monique, Monique, ah, Monique !

Pourquoi, dans toutes les familles, il y a toujours le grain de sable, l’élément chiant, qui, tout le temps, c’est inévitable, va faire chier le chien, l’enfant ou le conjoint ?

Je me résous à me calmer et, promis là-haut, Maman, à être plus poli. Je m’allonge à l’ombre d’une futaie, langue dehors détendue. Vu d’ici, ce que j’en peux dire des humains, c’est qu’ils ont bien de l’appétit.

Je somnole depuis quelques heures sans doute quand Éléonore vient vers moi, discrètement. 

Dans une serviette en sopalin, des saucisses éclatées encore bien graisseuses, des chips et une tranche de Beaufort fondue par le soleil. Divine gamine, je lui lèche les joues, la main. C’est pas rien, même pour un chien, d’être aimé...

Après ce festin, je retourne vers les miens.
Avec des gestes de starlette démodée, Monique fume une cigarette à bout doré. 

Pierre-Jean, lui, ronfle, allongé, Le Messager replié sur la tête. Les enfants sont arrimés à leurs consoles ou sur internet.
Après cette pause, je suis à côté d’Éléonore. Nous regardons toute la famille s’ébrouer joyeusement dans le Léman. 

Quand ils ressortent, Jean-Charles a l’idée de lancer un branchage à l’eau.
- Allez, Fripouille, va chercher !


Comme je suis plutôt de service, avec un bon fond, son bâton, j’ai tôt fait, mouillé, de lui ramener. 

Mais ce p’tit con, qu’est-ce qu’il fait ?
Il le rebalance en ajoutant bien fort :
- Va, allez va, Fripouille, va chercher !

Je m’y recolle. Il rigole et recommence. Mais moi, sur le champ, j’ai arrêté. 

Il insiste. Pas question, c’est inouï... J’suis p’t-être un bâtard, Jean- Charles, mais pas un con !
- Tu vois bien, Pierre-Jean, tu admettras qu’il a tout de même un problème ce chien.

- Mais c’est pas un critère suffisant, chouchou ! Il faut qu’il avance, qu’il s’adapte avec nous.

- Ouais, ouais... C’est bien une réponse de psychiatre, ça !
Le soleil se résolvant progressivement à regagner les rives sécurisées de la Suisse, la famille Beyer rassemble ses affaires. 

- Demain, on ira au salon. Je te ferai une petite coupe. Tes cheveux sont un peu trop longs pour aller à l’anniversaire de ma mère. 

- Si tu veux, chouchou... J’en profiterai pour passer à mon cabinet relever le courrier. La visite à l’hôpital pour Éléonore, faudra pas oublier ! C’est mardi, à 9 heures. Après, on ira acheter le nécessaire pour ton chien préféré. 

Monique goûte, sans plus, l’humour gentillet de son benêt de mari. Elle donne le «la» du départ.
La soirée est plaisante.

Quatre pizzas et un jeune homme casqué et parfumé sont arrivés dans le salon, à la fin du journal télévisé.

PIZZA

Moi, j’ai eu des croquettes, certes bio, mais trop salées.
Après une interminable publicité, nous regardons, saboté de cinq coupures marchandes, La septième compagnie.
Je trouve ça curieux, limite un peu con, ce navet insupportablement saucissonné, mais mes maîtres, eux, apparemment, non.

 

Polycarpe.

La suite vendredi prochain, et pour les plus impatientes d'entre-vous, le livre peut se commander en ligne chez mon éditeur Unsberger/Editions Archamps, les droits sont entièrement destinés à l'association du docteur Jacques Salvat, pour la prévention du cancer du sein SEINS LEMAN AVENIR.

FRIPOUILLE

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