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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
10 mars 2017

FRIPOUILLE LE CHABLAISIEN ou l'insoutenable légèreté de mes maîtres ( Episode N°10)

 

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FRIPOUILLE LE CHABLAISIEN

ou l'insoutenable légèreté de mes maîtres 

( feuilleton hebbo, paraissant le Vendredi)

 

 Il n’est pas plus traître miroir que celui de la fiction. Les morts dans la pénombre, les êtres vivants, les ombres nues de l’enfance, les ressemblances ou encore la fortuite et pure coïncidence... L’imposture, même inconsciente, d’un auteur avec sa propre histoire déconstruite a immanquablement des reflets... 

 

Je revenais des autres

 

 Au réveil, on nous assigne la tâche, à tous les trois, d’aller remplir les bonbonnes à la source de la Versoie avec le caddie.

Jean-Charles chante faux du M.Pokora... (moi, perso, je préfère Sarclo). Éléonore, elle, se presse derrière ma laisse. 

Je ralentis, c’est vrai qu’elle a eu mal à son petit pied.
Nous traversons l’avenue du Général de Gaulle, bien dans le passage protégé. 

En face, sur un banc, un clodo ventripotent avec une bonne bouille de père Noël chante à tue-tête Aznavour devant les passants. Arrivé à sa hauteur, moi, je vais lécher sa main, puis l’autre, qui tient une bière. 

Tout d’un coup, il se met à rire fort comme un ogre.

- Petite, y s’appelle comment ton chien ?
- Fripouille, m’sieur, et moi, Éléonore.
- C’est des jolis noms, tout ça, et vous êtes bien mignons, dit-il avant de reprendre le refrain de sa chanson.

Jean-Charles, lui, a filé devant la source. Il a déjà rincé et mis en place deux bonbonnes.
- Là derrière, le débit est plus fort, lui dit sa sœur. 

Des habitués arrivent. Ils patientent, causent du temps, de l’argent ou de la santé de leurs mamans, dans une atmosphère bon enfant. Tu verras, Fripouille, m’avait dit ma mère, ici, les gens sont sympas. Ils sont moins fiers qu’en frontière. Le bon fond paysan de leurs aïeux descendus des montagnes alentour est encore largement présent.

 

VERSOIE

En attendant mes petits maîtres et leurs bonbonnes d’eau claire, je regarde un drôle de manège, le long de l’avenue du Général de Gaulle. 

Un couple, avec des casquettes à faire rire, en costumes bleus, un carnet à la main, s’intéresse bêtement à des voitures vides.
Comme des mouches après le marché de la Réno, ces deux zigotos estampillés Police Municipale tournent machinalement l’ennui de leur boulot, accablant de tristesse, autour des pare-brise.

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Devant la vitrine du Messager, une vieille dame hurle. Elle agite un papier.
- C’est pas possible, vous êtes vraiment cinglés, à Thonon ! Je viens d’arriver. J’allais juste chercher deux bâtards à la boulangerie !

- Je regrette, madame, nous constatons les faits, seulement les faits... C’est-à-dire pour vous l’absence d’un ticket ! indique, sur un ton monocorde, la pervenche du haut réglementaire de sa petite vie au rabais dans le Chablais.

Rien à faire apparemment, puisque le mâle de ce couple de corbeaux bleus ajoute sur un ton définitif :
- Les excuses, madame, on les connaît toutes ! Si vous avez des réclamations, suivez les prescriptions du droit en la matière. Au revoir, madame !

La pauvre vieille range son papier froissé de colère dans son sac. Elle regarde s’éloigner ces tristes sires des rues, déjà en train d’œuvrer à un autre racket, quelques limousines plus loin.
En rentrant dans sa Clio, la vieille dame, par deux fois et assez haut dans la tonalité de la voix, crie :
- Têtes de cons, mais quelles têtes de cons !
Vue d’un chien et sur quatre pattes, la société observée des humains me semble, depuis quelques mois, assez impitoyable. 

Dans mon récent vécu, j’ai connu, et souvent à mes dépends, la morgue et la hargne du monde animal, mais à ce primaire que nous partageons tous entre vivants, je constate (de mois en mois et de plus en plus) que s’ajoute, par malheur pour vous, les hommes, le sournois... 

Nous, nous sommes heureux. Nous repartons à la maison.
En chemin, Éléonore et Jean-Charles, joyeux, chantent :
Z’avez pas vu Mirza ?
Sans doute spécialement pour moi, puisque qu’il y est question d’un chien perdu, qu’on ne retrouve pas... 

Moi, ça risque pas.
Mes maîtres peuvent me laisser sans aucune crainte. Avec ou sans laisse au collier, je resterai toujours à leurs côtés, ou en attente de les retrouver.
Je connais trop le prix de tout ça, et la vie d’abandon de la SPA, merci !
La déréliction, je l’ai déjà éprouvée, et très tôt.


Après le déjeuner, c’est Monique qui tient ferme la laisse. Nous partons à pied, avec son mari, dans le centre-ville.
Il y a déjà du monde dans la Grande Rue.
Le commerce de bouche déborde dans la tentation odoriférante jusqu’au milieu de la chaussée piétonne.
À droite, nous prenons la rue Saint-Sébastien. Nous croisons un homme grand, bien mis, élégant, la tempe grisonnante :
- Ah, bonjour, la famille Beyer !

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Bonjour, Monsieur Denais, comment allez-vous ?

Bien, bien, vous avez vu, Monique, près de votre boutique, nous avons fait installer un distributeur pour parer aux déjections canines. D’ailleurs, je vois que vous avez un joli chien...
Joli, non... monsieur le maire, mais c’est ma fille qui l’a choisi. En tout cas, merci pour votre intervention. 

L’élu me tapote entre les oreilles, comme un réflexe politique non contrôlé sur la tête d’un enfant accompagnant un futur électeur.
Je glisse ma truffe sous le revers de son pantalon lustré, et je vois en levant les yeux qu’il porte intimement franchement à droite... Chaussette en fil de lin fin fraîchement adoucie avec Mirlaine, mollet fleurant bon le gel douche corporel aux algues d’Ouessant, chaussures en peau de caïman, lustrées à la graisse de phoque. Waouh, la classe, le milord... 

Je lève le museau plus haut. 

Finalement, quelque part, je le sens bien, cet homme.
Il a l’air bonnard et d’aimer sa ville et les gens.
Il prend congé, après nous avoir chaleureusement salués en nous lançant plus loin :
- Et bonnes vacances à tous !


Quelques pas après, nous arrivons devant la devanture métallique d’un salon de coiffure pour dames.
Monique, accroupie, passe la clé. Pierre-Jean remonte le rideau avec les mailles d’acier.
Nous pénétrons tous trois dans la boutique.
Shampoing à la violette, la Monique, visiblement à son affaire, est prompte à la manœuvre.
Une dame à l’extérieur veut entrer.


J’aboie. Je me fais copieusement engueuler.
- Non, non, madame Dupraz, nous sommes en congé, le salon est fermé. Je rafraîchis juste mon mari cet après-midi...

Mon maître n’a pas naturellement... comment dire... un physique pour vanter le café en doses alu, mais, ainsi tondu de près par Monique, il semble plus proche d’un clown que d’un lointain Clooney d’Amérique. 

Quand il se relève, je jappe au désastre en tournant autour de lui. Ces deux bobets qui m’élèvent pensent que je suis ravi...
La boutique est fermée. Nous sommes maintenant à quelques rues, devant la plaque dorée de : Pierre-Jean Beyer, Psychiatre diplômé de la faculté de Paris. 

Un coup d’œil dans la boîte à lettres, de la publicité, quatre enveloppes, une petite feuille anonyme repliée mentionnant en lettres découpées : laissez ma femme tranquille ou sinon gare à vous ! et rien d’autre de particulier. 

Pendant que Monique est aux toilettes, Pierre-Jean fait le tour de son cabinet.
Il tape sur le velours du divan. Nous repartons sous un soleil devenu accablant. 

Il est décidé, surtout par Monique, que nous devons rentrer à la maison où attendent les enfants, et qu’elle ferait bien quelques magasins.


Pierre-Jean m’entraîne dans la très fréquentée rue des Arts à la grande librairie Majuscule, sans trouver son bonheur.

 

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Quelques pas de chien plus loin, dans une autre et belle boutique se nommant Climat, il commande à une avenante dame un ancien ouvrage d’un certain Sérounique... si j’ai bien entendu la phonétique maghrébine du nom de cet auteur savant. Avant de ressortir, il feuillette l’étonnant récit de la rencontre de Jeanne de Chantal avec François de Sales et achète un petit pavé d’érudition spirituelle Le voile et la plume. 

Nous rentrons avec lenteur en remontant par la Grande Rue. Mardi, comme prévu, mes maîtres sont partis à l’hôpital en consultation pour Éléonore.
Je reste seul avec Jean-Charles. Il n’est pas, lui, du genre emmerdant. 

Il lit tout le temps. Il prend des photos ou est totalement rivé sur sa console de jeux.

 

Polycarpe.

La suite toute de suite, vous pouvez commander en ligne, le livre chez l'éditeur à Archamps. Les droits sont destinés à Seins Léman Avenir, pour la prévention du cancer du sein.

FRIPOUILLE

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