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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
7 avril 2017

FRIPOUILLE LE CHABLAISIEN ou l'insoutenable légèreté de mes maîtres ( Episode N° 14)

 

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FRIPOUILLE LE CHABLAISIEN

ou l'insoutenable légèreté de mes maîtres 

( feuilleton hebbo, paraissant le Vendredi)

 
 Il n’est pas plus traître miroir que celui de la fiction. Les morts dans la pénombre, les êtres vivants, les ombres nues de l’enfance, les ressemblances ou encore la fortuite et pure coïncidence... L’imposture, même inconsciente, d’un auteur avec sa propre histoire déconstruite a immanquablement des reflets... 

 

Quelle étreinte, ô petite Finette ! C’est promis, je reviendrai ce soir ou demain te conter de nouveau levrette.
De retour dans la fête des Meynet-Cordonnier, le repas est sur le point de s’achever. 

À la table de Gérard, on chante La digue du cul. Monique est venue et a essayé, en vain, d’arrêter ce refrain.
- De Nantes à Montaigu, la digue, la digue du...
- Gérard, Fernand, Jérôme, Yvon, Alain, Michel, Julien, Arlette, 

Arthur, Antoine, René, Joseph, Christian, il y a des enfants, ici ! Mais, rien à faire ! La gnôle est sur la table. La raison, elle, s’est débinée par terre. Les soiffards, bras dessus dessous accolés, vocifèrent en boucle ce chant pourtant maintes fois condamné par l’évêché.


Je me balade de nouveau de table en table.

FRIPOUILLE REPAS BELLEVAUX

 

Anatomie d’un instant 

 C’est toujours bien et édifiant, lorsque l’on est un animal, d’être parmi les humains.

Surtout, ou malheureusement, quand on les comprend médire très souvent sur leurs prochains. 

Autour de l’une d’elles, face à face, sur les bancs prêtés par le comité des fêtes de Bellevaux, un échantillonnage de locaux et un Syrien accompagné.
D’ailleurs, ce dernier, déjà ciblé, jette un froid en citant de manière impromptue Spinoza... Personne, dans cette petite assemblée, ne semble connaître cet étranjhi dans l’effectif prochain de l’ETG ou dans le département de la Haute-Savoie. 

C’est donc sans philosophie qu’ici les échanges de conversations latérales ou longitudinales se poursuivent. Au ras des pâquerettes de l’esprit, ce qui n’est pas le cas à toutes les tables. 

J’écoute sans entendre. Bientôt, mon cerveau est alerté, comme celui programmé et pourri de la NSA, par des mots-clés : gouine-cocu- Arminjon-bêcheuse-main dans la caisse-une vraie dinde-tête de con-malhonnête, etc. 

Maintenant assis sur mes pattes arrière, je me concentre sur tous les acteurs de cette conversation parsemée de douteuses vannes à faire rire des patates à la cave.
Je vois qui dit quoi, les attitudes d’approbation, le suivisme crétin des ralliements à l’opinion générale, le Syrien et sa copine qui ont l’air de s’emmerder et le taiseux, là-bas, entre les deux obèses, qui regarde en l’air. 

C’est une revue. Les personnages convoqués, je ne les connais pas, bien entendu, mais ils sont surhabillés pour l’hiver.
Ce spectacle aurait pu rester pour moi qu’une simple observation anthropologique. 

Mais, lorsque sont arrivés sur la sellette quelques membres de ceux qui sont devenus maintenant ma famille, ma part d’instinct sauvage a rapidement repris le dessus.

FRIPOUILLE MEDISANTE

La salope, celle-là, est assise au bout du banc, et j’en dis sur Gérard, Christophe, la Monique et ses grands airs, et sur son mari, un bobet, un béni-oui-oui.
Elle ouvre son Vuitton.

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Elle sort une grande cigarette. 

Puis, elle se remet à la médisance, tirant une grande bouffée de fumée en l’air, en épinglant maintenant les petits Beyer.
Cela en est trop pour moi.
Je m’aplatis sur l’herbe. 

Je rampe jusqu’à elle, et, à la hauteur de son postérieur très imposant et pas de la première fraîcheur, d’un coup bref et net, je saisis son sac entre mes dents.


Bon sang, le poids de son nécessaire n’est pas évident. 

À pas de loup, je fais le tour avec ma mauvaise blague vengeresse entre les crocs.
Et merde ! Il était resté ouvert. Tout se débine à terre à l’autre extrémité de la table. 

Je me carapate un peu plus loin en gardant mon regard fixé sur le contenant et le contenu renversé.
Ah zut, nom de bleu ! (comme disait l’ancien helvète kaiser de l’UDC) C’est ici que j’aurais dû toute de suite et mieux fait de poser mes quatre pattes et ma queue ! 

En effet, à cette tablée, un auditoire attentif finit de régaler sa curiosité en écoutant l’épique et poignante histoire des migrants de Bellevaux vers l’Argentine.

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Nous sommes en 1867, à cette époque, aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui, les miséreux sont Haut-Savoyards ou Valaisans. Le général Justo José de Urquiza a besoin de beaucoup de bras paysans pour couvrir et exploiter l’immensité des terres de son pays. 

Une dame bien mise sur elle raconte l’épopée de ses ancêtres. Les sœurs Pasquier : Séraphie, Marie-Alphonsine et Marianne, avec 90 kg de bagages autorisés, quittent la vallée. L’éprouvant et long voyage se fera en autocar jusqu’au Havre, puis en bateau, direction Buenos Aires. 

Au bout de cette épreuve organisée dans ce que l’histoire et l’hypocrisie à venir n’appelaient pas encore un camp de rétention (homologué Schengen), les familles sont contraintes à une longue attente d’un prochain bateau sur le fleuve Paraná avant de pouvoir accéder aux terres promises. 

Pour les Bellavauds, ce seront les belles terres de San Carlos. 

Décidemment, les yeux, les rêves et les peurs de tous les déracinés seront de tous temps, immanquablement, les mêmes. Si forts et si intenses, ils dérangeront et déstabiliseront toujours souterrainement le monde... 

Une bonne demi-heure passée, Le chant des Allobroges qui débutait près de mon nouveau poste d’observation est rapidement interrompu par des cris, des vociférations.
C’est une vraie et grosse engueulade à mon ancienne tablée. 

Tout le monde est maintenant levé.

Un groupe s’agite comme des pantins. 

Je m’approche. Putain, le sac... Je l’ai benné derrière l’arabe !

Ah bravo, Fripouille, l’offusqué de mes deux, le moralisateur à trois pattes, voilà où mènent tes conneries intrusives dans la vie de l’autre espèce... 

Le musulman et sa copine blonde frisée se sont abadés [oui, en arabe ou en patois, cela doit signifier se sauver] en trombe dans leur Porsche gris métallisé.
Toute honte bue, en essayant en vain de me référer au principe de la raison suffisante selon Leibniz enseigné par ma mère, je m’aboie dessus de colère. 

Je mesure la tragique imbécilité de mon geste et ses conséquences effarantes sur ce groupe d’humains.
Les choses se calment un peu vers 16 heures, entendues au clocher. Il se dit, près des dernières saucisses brûlées du barbecue, que celui qui a été à tort soupçonné se nomme Farid... Il serait professeur à l’EPFL de Lausanne...

 

Polycarpe.


La suite ventredi prochain, ou achetez le livre sur le site de l'éditeur. Les droits sont destinés à Seins Léman Avenir ( pour la prévention du cancer du sein)

FRIPOUILLE

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