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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
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BELLEVAUX, L'ANARCHIE DANS LA SOUPE
16 juin 2017

FRIPOUILLE LE CHABLAISIEN ou l'insoutenable légèreté de mes maîtres ( le sulfureux épisode n°24)

 

 

 

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FRIPOUILLE LE CHABLAISIEN

 

ou l'insoutenable légèreté de mes maîtres 

( feuilleton hebbo, paraissant le Vendredi)

 
 Il n’est pas plus traître miroir que celui de la fiction. Les morts dans la pénombre, les êtres vivants, les ombres nues de l’enfance, les ressemblances ou encore la fortuite et pure coïncidence... L’imposture, même inconsciente, d’un auteur avec sa propre histoire déconstruite a immanquablement des reflets... 

 

L’appartement bourgeois semble d’une autre décennie. Il y règne une odeur particulière qui se rapproche un brin de celle des litières à chat.
Surélevée, les coudes posés sur un petit comptoir, une grosse femme pose sur moi, de bas en haut, son regard désabusé.
Elle a un double menton, des boucles d’oreilles énormes, des seins comme des montgolfières et des lèvres rouge tomate prononcées.

- C’est cinquante francs, gamin !

FRIPOUILLE PUTE

Je règle.


C’est le prix à payer pour ceux qui ne sont pas dégourdis. Les ceux qui n’ont jamais osé, les timides, les boutonneux, les renfermés et celui qui a longtemps pris pour maladie ses troubles hormonaux répétés. 

Le temps est venu pour moi d’aller voir si, vraiment, les fleurs du mal se découvrent en une étoile comme la plus belle recherchée par les hommes.


Après avoir rangé mes billets dans une boîte en fer, la tenancière enveloppée de cette maison me tend, en haut de la pile, une serviette blanche et rêche pliée en quatre. 

Devant nous, cinq portes fermées.
La déniaiseuse que j’ai choisie frappe à l’une d’elles.


- Occupé !

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Pour la seconde, c’est pareil, avec la même réponse, mais cette fois tonitruante, tant la demande à ce moment précis avait dû être dérangeante pour les occupants temporaires...


Enfin, par bonheur, la troisième est vide.
Nous entrons.
- Pardon, madame, il y a des w.-c., ici ?
- Ah, non !... C’est pas vrai ! Bon, tu ressors, après le vestibule sur ta droite, et dépêche-toi !

Je suis malade. Mes boyaux brûlent. Je recommence à trembler. Je reviens vers la chambre. 

La mère maquerelle joufflue de l’entrée jette brièvement un œil à mon manège, derrière l’épaule d’un vieux monsieur. Recouvert de honte et d’un chapeau d’après-guerre, il soulage en premier sa bourse au figuré imparfait de ce marché. 

Il est accompagné par une toute jeune femme à la peau d’ébène, avec une mini-jupe de cuir rouge criard tendue à l’extrême des formes délicieuses des péchés de la chair.


Dans l’entrebâillure de la porte que je viens d’ouvrir de nouveau, j’ai juste le temps de comprendre (et trop tard, hélas) que je me suis trompé.

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Une grasse et vulgaire dame blonde fellinienne, à califourchon au pied d’un grand lit, hurle :

- Mais, casse-toi, petit connard, qu’est-ce que tu fous ici ?
Derrière elle, les mains posées sur le gras de ses hanches, un homme maigrelet et visqueux, grisonnant et perdu. Il me regarde avec comme de la poudre noire dans les yeux. 

- Oh, pardon, pardon, madame, monsieur...
Je n’en peux plus, merde de merde... La bonne porte, c’est celle-là ou celle d’à côté ?


Ouf ! J’ai de la chance, mais je me fais encore une fois engueuler.
- Ben, qu’est-ce que tu glandes, gamin, grouille-toi, bon sang, je travaille, moi !

Je me laisse entraîner.

- Tu poses tes affaires ici, et tu me rejoins devant le lavabo. Allez, allez, bouge-toi !

Sous les reflets artificiels de la lumière, je ne reconnais plus l’objet moins obscur de mon désir.
Le maquillage est épais, ses seins sont lourds et un petit ventre conséquent parsemé de vergetures surplombe le noir jésus frisé, lieu magique et maudit de tous les péchés. Ceux qui font frémir l’imagination sans borne d’un adolescent.
- Ben ! Grand dégourdi, t’enlèves ton slip aussi !

SALLES


La savonnette n’est pas à la violette. L’eau est froide. Ses mains de travailleuse de la braguette sont boursouflées, mais quel délice.
Je vous demande de ne pas vous arrêter...
Si, attention, je n’en puis plus et, heureusement, je suis aussitôt attiré dans un grand lit dans lequel elle prend encore les choses (et les miennes) en main.
J’y suis, je suis un homme. 

Je croise son regard. J’y ressens tout, excepté du bonheur. 

Je me blottis dans son cou. Ses cheveux sentent le parfum de Cologne bon marché.
Sur une chaise à hauteur d’oreiller, son caniche halète, sa langue rose de côté. Dans ses yeux, comme une lueur de tristesse qui semble partager les humiliations dégradantes et répétées de sa maîtresse sans cesse recouverte à longueur de journées. 

Je me consume. Elle me happe, me remue.
Je brûle. J’explose. Non, c’est pas vrai, c’est pas déjà fini ? 

Elle tapote sur mon épaule pour bien me signifier que la scène et, encore plus maintenant, mon jeune corps las et essoufflé lui pèsent. En descendant de ce manège, c’est la gêne instantanée de la conscience partagée d’un commerce de dupes, qui, tous les deux, maintenant, nous rhabille en vitesse. 

Vite, mes chaussettes, mon pantalon, je ne peux guère supporter son regard désenchanté et le mien, là-bas en face, dépité, qui se perd dans le coin d’une glace usée sans doute du reflet peu reluisant de tant de misères sexuelles répétées. 

Insupportable, c’est celui, dans ce miroir, d’un pitoyable jeune homme fureteur précoce et salisseur que je soupçonne malsain avec son histoire, prêt encore, en demain trompeur, à récidiver...
C’est pas possible, ce n’est pas cela l’amour ! Celui décrit par les livres.

Celui des chansons.

Celui qui porte, en poésie et en beauté, l’histoire des hommes et des femmes depuis toute l’éternité...

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Ma déception est immense. Elle est à la mesure vertigineuse du trop d’attente idéalisée.
- Ben... bon... au revoir, madame, merci ! 

C’est à la dernière marche descendue de l’escalier que je me suis réveillé.
Étrange, étrangeté des rêves.

Au secours, Jean-Pierre, si seulement je pouvais t’en parler...
Je m’en retourne à la réalité, en levant sciemment la patte derrière un des rosiers malades de Monique.
Au bout de notre propriété, et au-delà de la rue, entre le passage de deux voitures, je discute de mon rêve avec mon voisin à quatre pattes. 

Lui ne rêve pas ou ne s’en souvient plus, ce qui a le don tout soudain de m’effrayer sur mon sort peu commun.
-P’t-être dans une autre vie, t’étais un homme... Va savoir, 

Fripouille... T’es tellement bizarre, particulier. Je te laisse, c’est jeudi, je vais au marché avec ma maîtresse. 

En retournant dans mon salon, je repense à la vie courante.
La belle-mère de Jean-Pierre s’en est retournée dans le confort mondain de son 16e parisien.
Il y a eu de belles accroches entre les trois femmes de la maison, avec une alliance temporaire de circonstance inattendue entre Jacqueline et Monique.
Au beau milieu de tout ça, mon gros couillon de maître a été incapable, évidemment, de se situer en qualité de mâle dominant.

 

Polycarpe.


Je ne vous félicite pas ou beaucoup d'avoir lu avec une gourmandise luxurieuse cet épisode. Pour les plus impatients d'entre-vous ou celles ayant envie de faire une bonne action, un livre de ce récit existe, il peut se commander en ligne chez l'éditeur, et les droits iront à Seins Léman Avenir, association du docteur Jacques Salvat, pour la prévention du cancer du sein.



 

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FRIPOUILLE

 

 

 

 

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